L'amour, ça m'encombre

Publié le par claude pérès

 Que la vie soit âpre, je sais que c’est moi qui me la rend âpre pour me rendre fort. Je le sais. J’ai du mal avec la douceur, je sais.

 Je ne sais pas aimer. Je ne sais pas pourquoi. Je suis à sec. Je ne sais pas où puiser. Je vois comment ça se fait, je vois comment ça fonctionne ou comme quoi. C’est exactement pareil que quand je serre les dents pour continuer à avancer, que je tiens bon. Je sais puiser dans ma puissance et ma force, aussi dur que ça me rende, je sais faire ça. Regarder droit devant, ne pas s’arrêter, ne pas ralentir, oui, c’est devenu tellement facile que je pourrais ne plus savoir à quel point c’est dur, à quel point je suis sans pitié. Je sais, c’est un truc de fasciste. Je ne veux pas m’en remettre à l’autre. Je ne sais pas le faire de toutes façons. Tout porter tout seul, porter l’autre aussi s’il le faut, ça oui, et avancer surtout, avancer coûte que coûte. Et ça me coûte évidemment, qu’est-ce que ça me coûte. Je ne sais pas où je vais avec ce texte, je ne sais pas du tout où ça me mène, mais j’y vais, c’est sûr.
 
  C’est l’angoisse qui me tient, je suis sûr que c’est ça, même si je ne la ressens plus. Je suis dur, la vie est dure, je me fais la vie dure pour me faire dur. On ne me verra jamais pleurer, je ne sais pas faire ça. Pourtant, je sais me poser, poser mon regard, regarder l’autre, attendre, le laisser venir, ne rien lui demander, l’accueillir, je sais faire tout ça. Je le fais même avec toute la douceur du monde. Je sais aussi m’épargner, ne pas me pourrir la vie pour rien, au contraire, je sais me faire la vie douce et la savourer. Vraiment, je le fais vraiment. Mais je sais aussi que même quand je me confie, je contrôle, je contrôle ce que je confie. Je ne vais pas m’en sortir avec ce texte, c’est n’importe quoi. Je sais contrôler le moment où je ne contrôle plus, je vais jusque-là. Je sais que pour avancer, j’en ai besoin, alors je le fais, j’aime, je donne, je reçois, j’arrête de contrôler pour mieux contrôler encore et pour avancer toujours. Je fais ça, je sais que c’est n’importe quoi, je m’en rends compte. C’est un truc de machine et de fasciste, je sais. J’ai envie d’arrêter d’écrire ce texte, même cette phrase, je n’ai pas envie de la finir. Je sais ne pas me forcer, prendre les choses comme elles viennent, ne rien m’infliger, je le fais, ça me permet de mieux contrôler, alors je le fais. Je sais aussi choisir ce qu’il y a de plus dur et le faire et aller au bout.

  Ça fait de moi quelqu’un qui ne peut pas aimer, qui n’a pas le temps, pas la place, qui est encombré avec ça. L’amour, ça m’encombre. Je ne sais pas quoi en faire. Je sais, c’est ce qu’on peut souhaiter de pire à quelqu’un. Pourtant j’aime et vraiment en plus et je donne sans compter, et c’est rare les gens qui donnent autant, je le sais, je le vois. Même là, je veux être le meilleur. Quand je dis des trucs comme ça, même si j’ai l’air de confier quelque chose de très personnel, je contrôle encore. J’arrête d’écrire ça, ça me gonfle. Je ne sais pas faire de la place à l’autre, je ne sais pas m’en remettre à lui, j’allais dire je ne vois même pas à quoi ça pourrait me servir, mais je le vois ça me servirait à ne pas servir. Je sais.

  Cette fois j’arrête d’écrire ce texte, il est nul, il me dégoûte tellement je contrôle tout encore, je n’en peux plus.

Publié dans ruptures

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