le désir (d'échapper à la mort)

Publié le par claude pérès

  Je ne vois pas la différence entre l’agencement constructiviste du désir chez Deleuze et Guattari et l’image spéculaire chez Lacan. Je ne vois pas en quoi l’un s’oppose à l’autre, même si cela semble leur faire tellement plaisir. Ce que l’on désire, « agencé dans son paysage », c’est bien l’image que l’on se fait de cet objet par rapport à un ensemble d’images, avec le même processus de contrastes que celui que Kandinsky révélait par ses travaux sur les couleurs. En d’autres termes, je désire une position. Je désire la position de ce que je désire pour prendre position. Je situe pour me situer, je me situe pour situer.

  Je vois bien qu’on désire quelque chose, et donc quelqu’un, par rapport aux images auxquelles son image renvoie. Je vois bien qu’on désire une femme parce que c’est une femme, et que par contraste, on en est d’autant plus un homme, ou pas, que l’on se situe homme en la situant femme ou pas. Ça, je le vois bien. Des exemples, il y en a plein. Et s’il s’agit d’agencement, il s’agit tout autant d’images et surtout, il s’agit de positionnement de territoires. Quand je désire quelque chose, je code cette chose, je la relie à des séries en même temps que je l’en extraie. Je l’affirme tout autant que j’affirme la foule dans laquelle je la situe. Si je la désire, c’est tout autant pour elle que pour tout ce à quoi elle renvoie, tout ce qui n’est pas elle. Je la vois sortir du lot parce que je la vois elle et qu’elle me fait voir le lot en en sortant. Et même, je la vois elle parce que je me vois moi par rapport à elle par rapport au lot. Je vois tout ce territoire à occuper. Je le vois parce que je le situe par rapport à l’ensemble où il se situe et où je me situe. Le désir est fait de l’image que je me fais de l’ensemble dans lequel se situe ce que je désire pour me situer moi. Un agencement, des codes, du sens, du narcissisme et un positionnement de territoires. Et ce dont je m’extraie en extrayant l’objet du désir, la foule, le lot : c’est la mort. C’est aussi simple que ça.

  Pourtant, dans les moments où je l’aimais, lui, j’oubliais complètement les séries desquelles il sortait. Je ne voyais plus qu’il est un homme, bourge, de droite, je n’en tenais plus du tout compte, ça ne voulait rien dire. C’était lui, la personne qu’il était, ce qu’il donnait, ce qu’il recevait, ce qu’il ne pouvait ni recevoir ni donner aussi, ses peurs, ses angoisses, son espoir… et personne d’autre. Dans ces moments-là, je ne sais pas si j’étais vivant ou mort.

Publié dans ruptures

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